C’est notre faiblesse, pas notre force qui nous a permis de traverser l’Afrique.
Le 31 mars 2025, le Gymnase de Wettingen a eu l’immense plaisir d’accueillir et de rencontrer Alexandre et Sonia Poussin, un couple d’écrivains-voyageurs français hors du commun qui a tenu entre les murs historiques de la KSWE une conférence inoubliable sur le thème du (grand) voyage, de l’écriture et de la découverte de l’autre.
À travers leurs deux grands projets que sont AfrikaTrek (2001-2004) et MadaTrek (2014-2018), ils nous ont raconté leur choix de parcourir le monde et ses pistes à pied (14’000kms !), sans carte, sans GPS, sans équipes de ravitaillement, loin des urgences modernes, de la vitesse, des hôtels et autres paradis climatisés, des assurances tous risques, bref à l’opposé du tourisme de masse et de nos «aventures» en pantoufles.
Leur récit de leur traversée du continent africain du sud au nord pendant près de trois ans (AfrikaTrek) et du tour de l’île de Madagascar (MadaTrek) pendant quatre ans avec leurs deux enfants (Philaé et Ulysse), leurs bouviers, leurs zébus et leur roulotte, toujours dans la plus grande simplicité, nous ont enchantés et édifiés. Grâce à cette conférence aussi saisissante que bien illustrée par des photos et séquences filmées par Alexandre, nos hôtes nous ont fait comprendre que si dans la vie rien n’était facile, du moins (presque) tout était possible, à condition d’être animé par une quête scrupuleuse de la «lenteur» (eh oui!), une profonde humilité et une insatiable curiosité.
Ce qui a frappé les 160 élèves présents et le corps enseignant, c’est que leur démarche va bien au-delà de l’aventure ou de l’exploit physique. Il s’agissait pour eux non pas de descendre l’Amazone en hydrospeed, de traverser héroïquement le pôle Nord en hiver, de prendre la planète pour un terrain de jeu, mais d’adopter une démarche profondément humaniste.
En suivant le grand rift africain, en vivant avec les populations locales, en dormant chez l’habitant, en partageant les repas les plus simples, ils ont noué des liens d’une grande authenticité. Ce choix du temps long leur a permis de rencontrer leurs hôtes, de partager leur quotidien, d’apprendre à les connaître et à mieux les aimer. Alexandre nous l’a expliqué ainsi : «Les Africains nous ont portés. On voulait vraiment les rencontrer. On a fait le pari d’aller à la rencontre des autres, de leur faire confiance. On voulait être en totale dépendance. Ils étaient si accueillants, si généreux et bienveillants.»
Leur force d’Alexandre et de Sonia a précisément résidé dans leur lenteur et leur faiblesse assumée. Là où d’autres auraient choisi le soutien logistique, la performance ou l’équipement de survie, ils ont préféré la pauvreté («une jupe, 2/3 paires de chaussettes, une tente, un sac à dos, quelques slips quand même.»), la fragilité et la vulnérabilité : «Quand on n’organise pas toutes les choses par avance, la vie s’organise grâce aux autres. C’est la solidarité et l’entraide qui vous sauvent. L’hospitalité aussi.»
Et qu’avons-nous retenu de cette leçon à contre-courant ? Que ce soit dans la brousse ou à l’école, dans la jungle et ou dans l’espace public, ce qui nous «sauvera», paradoxalement et à en croire nos invités, ce ne sera pas notre force, mais le courage de faire confiance et d’assumer nos interdépendances et faiblesses !
Impossible n’est pas Poussin !
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